lundi 14 juin 2010

Hier, une amie de Martine est venue déjeuner avec nous. C'est sa meilleure amie et ça ne s'est pas très bien passé. J'en suis très peiné. Tout a bien commencé avec un apéritif où nous étions chacun un peu sur la réserve, mais où la discussion allait bon train et bon enfant. Pendant le repas, nous avons abordé la question de la Foi et tout s'est gâté. L'amie de Martine prétend avoir la Foi, mais quand on échange sur ce sujet, on se rend compte qu'elle aime l'idée d'avoir la Foi plus que les implications de la Foi, en évacuant habilement ce qui la gêne. Le débat était d'abord intéressant je dois dire, puis l'amie de Martine s'est énervée. Nous parlions des Psaumes, de leur vocabulaire parfois guerrier, de Job, puis d'Abraham. Je disais que je comprends parfaitement ce que Dieu demande et pourquoi il le demande. Alors l'amie de Martine m'a dit "Si vous aviez perdu un enfant peut-être réagiriez-vous différemment". Martine m'a lancé un regard suppliant dans lequel j'ai lu de la tristesse. J'ai été très peiné de ce regard, du malaise de Martine. Alors j'ai fait quelque chose que je n'aurais jamais fait auparavant: je me suis livré. J'ai répondu calmement "j'ai perdu un enfant". L'amie de Martine a brusquement changé de visage, se rendant compte peut-être de sa maladresse, de sa colère injustifiée sans doute. J'ai continué. J'ai dit que lorsque ma fille est morte d'une maladie foudroyante, je n'ai pas perdu la Foi parce que, premièrement, j'étais dans un tel anéantissement que j'étais incapable de penser à Dieu. Je ne pensais tout simplement plus. Il n'y avait de place que pour la douleur. Des semaines après, je me suis posé la question de la Foi. Où en étais-je ? Pendant deux semaines de vacances scolaires, je suis parti en retraite dans un monastère. J'ai beaucoup parlé avec un des frères qui m'accompagnait spirituellement. J'ai longuement relu le passage du sacrifice d'Isaac et j'ai compris que je devais accepter la mort de ma fille. C'est ce que Dieu m'a demandé. C'est ce que Dieu nous demande parfois. Quand nous acceptons, un ange vient nous consoler, et nous trouvons la paix.

L'amie de Martine a dit les mots d'usage "je suis désolée, je ne savais pas". Je lui ai dit que je ne lui en voulais pas, ce qui est vrai, puis j'ai ajouté que je ne prétends pas détenir la Vérité parce que j'ai perdu ma fille, sûrement pas, mais je me laisse guider par la Vérité contenue dans les mots de la Bible, Vérité qu'il faut parfois chercher au prix d'un dépassement de la littéralité, Vérité qu'il faut lire parfois entre les lignes. Dieu est avec nous. La suite du repas a été tendue. Martine a fait de grands efforts pour que l'on parle d'autre chose, mais le mal était fait. Je reste persuadé que me livrer était la meilleure des solutions pour sortir de l'impasse. Martine est repartie ce matin, le petit-déjeuner, pour la première fois était triste.

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